L'OP de RF interprète Une vie de héros de Richard Strauss sous la direction de Mikko Franck. Extrait du concert enregistré le 22 novembre 2024 à l'Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique dans le cadre des 60 ans de l'UNICEF France.
#Strauss #MikkoFranck #musique #classicalmusic
poème symphonique
1. Der Held (Le héros)
2. Des Helden Widersacher (Les adversaires du héros)
3. Des Helden Gefährtin (La compagne du héros)
4. Des Helden Walstatt (Le champ de bataille du héros)
5. Des Helden Friedenswerke (Les oeuvres de paix du héros)
6. Des Helden Weltflucht und Vollendung (La retraite du héros et son accomplissement)
C’est sous la plume de Franz Liszt, avec la complicité de son secrétaire et parfois orchestrateur Joseph Joachim Raff, que naquit à Weimar, vers 1850, un genre musical narratif promis à un bel avenir, le poème symphonique. Dans l’esprit de l’ouverture Egmont de Beethoven ou de la Symphonie fantastique de Berlioz, Liszt soumettait la forme musicale à un récit basé sur une source littéraire, une épopée héroïque, un personnage historique, une bataille, un paysage, voire un concept philosophique. De 1848, dans Ce qu’on entend sur la montagne, jusqu’en 1882 avec Du berceau à la tombe, Liszt nous a laissé treize de ces « Tondichtungen ». Le genre fera florès en France (on pense à La Danse macabre de Saint-Saëns ou à L’Apprenti sorcier de Dukas), en Bohème (Smetana, Dvořak), en Russie (Moussorgski, Tchaïkovski, Rimski-Korsakov et même Rachmaninov dans L’Île des morts), en Finlande (Sibelius), et bien entendu en Allemagne, où le principal héritier de Liszt dans ce domaine sera Richard Strauss.
Sur une période de trente années, depuis Aus Italien en 1885 jusqu’à la Symphonie alpestre de 1915, Strauss s’imposa comme l’un des plus grands maîtres en la matière, avant de devenir un créateur majeur de l’opéra. Faisant pendant à Don Quichotte pour violoncelle et orchestre, Une Vie de héros (Ein Heldenleben) date de 1898. Délaissant alors son poste de Kappellmeister à l’Opéra de Munich, dans lequel son père corniste Franz Strauss avait participé à la création de Tristan et Isolde, Richard Strauss devenait, cette année-là, directeur musical de l’Opéra de Berlin « Unter den linden ». La chanteuse Pauline de Ahna, devenue Madame Pauline Strauss en 1894, venait de mettre au monde leur fils, également prénommé Franz. Lui qui mettra ostensiblement en avant sa vie privée dans la Sinfonia Domestica ou dans l’opéra Intermezzo, s’est très probablement inspiré de leur propre existence, en se faisant le héros de cette Heldenleben, entre ses combats, ses victoires ou sa compagne, 12 certainement évoquée dans un solo de violon.
Au cours de ce travail, Strauss rencontra pour la seconde fois l’écrivain français Romain Rolland, bientôt auteur d’une biographie de Beethoven et d’un roman musical, Jean-Christophe, au succès retentissant. Rolland, qui aidera Strauss dans l’adaptation francophone de sa Salomé, nous laisse un précieux témoignage sur ce poème symphonique. « Avec Heldenleben (Vie de héros), Strauss se relève d’un coup d’aile, et atteint jusqu’aux cimes. Ici, point de texte étranger, que la musique s’étudie à illustrer ou à transcrire. Une grande passion, une volonté héroïque qui se développe à travers toute l’œuvre, brisant tous les obstacles. Sans doute, Strauss s’est tracé un programme ; mais il me dit lui-même : “Vous n’avez pas besoin de le lire. Il suffit de savoir qu’il y a là un héros aux prises avec ses ennemis. “ Je ne sais jusqu’à quel point cela est exact, et s’il ne resterait pas quelques obscurités pour celui qui suivrait sans texte ; mais ce mot de l’auteur semble prouver qu’il a compris les dangers de la symphonie littéraire, et qu’il se rapproche de la musique pure. Heldenleben se divise en six chapitres : le héros, les adversaires du héros, la compagne du héros, le champ de bataille, les travaux pacifiques du héros, sa retraite, et l’achèvement idéal de son âme. C’est une œuvre extraordinaire, enivrée d’héroïsme, colossale, baroque, triviale, sublime.
Un héros homérique s’y débat au milieu des ricanements de la foule stupide, troupeau d’oies criardes et boiteuses. Le violon solo exprime en une sorte de concerto les séductions, les coquetteries, les perversités décadentes de la femme. Les stridentes trompettes sonnent le combat ; et comment rendre alors cette effroyable charge de cavalerie, qui fait trembler la terre et bondir les cœurs, ces remous de tempête, ces escalades de ville, cette marée tumultueuse que mène une volonté de fer ? La plus admirable bataille qu’on ait jamais peinte en musique !… À la première exécution en Allemagne, j’ai vu des gens frémir en l’entendant, se lever brusquement, faire des gestes inconscients et violents. Moi-même, j’ai senti l’étrange ivresse, le vertige de cet océan soulevé ; et j’ai pensé que, pour la première fois depuis trente ans, les Allemands avaient trouvé le poète de la Victoire. Heldenleben serait de tous points un des chefs-d’œuv...
#Strauss #MikkoFranck #musique #classicalmusic
poème symphonique
1. Der Held (Le héros)
2. Des Helden Widersacher (Les adversaires du héros)
3. Des Helden Gefährtin (La compagne du héros)
4. Des Helden Walstatt (Le champ de bataille du héros)
5. Des Helden Friedenswerke (Les oeuvres de paix du héros)
6. Des Helden Weltflucht und Vollendung (La retraite du héros et son accomplissement)
C’est sous la plume de Franz Liszt, avec la complicité de son secrétaire et parfois orchestrateur Joseph Joachim Raff, que naquit à Weimar, vers 1850, un genre musical narratif promis à un bel avenir, le poème symphonique. Dans l’esprit de l’ouverture Egmont de Beethoven ou de la Symphonie fantastique de Berlioz, Liszt soumettait la forme musicale à un récit basé sur une source littéraire, une épopée héroïque, un personnage historique, une bataille, un paysage, voire un concept philosophique. De 1848, dans Ce qu’on entend sur la montagne, jusqu’en 1882 avec Du berceau à la tombe, Liszt nous a laissé treize de ces « Tondichtungen ». Le genre fera florès en France (on pense à La Danse macabre de Saint-Saëns ou à L’Apprenti sorcier de Dukas), en Bohème (Smetana, Dvořak), en Russie (Moussorgski, Tchaïkovski, Rimski-Korsakov et même Rachmaninov dans L’Île des morts), en Finlande (Sibelius), et bien entendu en Allemagne, où le principal héritier de Liszt dans ce domaine sera Richard Strauss.
Sur une période de trente années, depuis Aus Italien en 1885 jusqu’à la Symphonie alpestre de 1915, Strauss s’imposa comme l’un des plus grands maîtres en la matière, avant de devenir un créateur majeur de l’opéra. Faisant pendant à Don Quichotte pour violoncelle et orchestre, Une Vie de héros (Ein Heldenleben) date de 1898. Délaissant alors son poste de Kappellmeister à l’Opéra de Munich, dans lequel son père corniste Franz Strauss avait participé à la création de Tristan et Isolde, Richard Strauss devenait, cette année-là, directeur musical de l’Opéra de Berlin « Unter den linden ». La chanteuse Pauline de Ahna, devenue Madame Pauline Strauss en 1894, venait de mettre au monde leur fils, également prénommé Franz. Lui qui mettra ostensiblement en avant sa vie privée dans la Sinfonia Domestica ou dans l’opéra Intermezzo, s’est très probablement inspiré de leur propre existence, en se faisant le héros de cette Heldenleben, entre ses combats, ses victoires ou sa compagne, 12 certainement évoquée dans un solo de violon.
Au cours de ce travail, Strauss rencontra pour la seconde fois l’écrivain français Romain Rolland, bientôt auteur d’une biographie de Beethoven et d’un roman musical, Jean-Christophe, au succès retentissant. Rolland, qui aidera Strauss dans l’adaptation francophone de sa Salomé, nous laisse un précieux témoignage sur ce poème symphonique. « Avec Heldenleben (Vie de héros), Strauss se relève d’un coup d’aile, et atteint jusqu’aux cimes. Ici, point de texte étranger, que la musique s’étudie à illustrer ou à transcrire. Une grande passion, une volonté héroïque qui se développe à travers toute l’œuvre, brisant tous les obstacles. Sans doute, Strauss s’est tracé un programme ; mais il me dit lui-même : “Vous n’avez pas besoin de le lire. Il suffit de savoir qu’il y a là un héros aux prises avec ses ennemis. “ Je ne sais jusqu’à quel point cela est exact, et s’il ne resterait pas quelques obscurités pour celui qui suivrait sans texte ; mais ce mot de l’auteur semble prouver qu’il a compris les dangers de la symphonie littéraire, et qu’il se rapproche de la musique pure. Heldenleben se divise en six chapitres : le héros, les adversaires du héros, la compagne du héros, le champ de bataille, les travaux pacifiques du héros, sa retraite, et l’achèvement idéal de son âme. C’est une œuvre extraordinaire, enivrée d’héroïsme, colossale, baroque, triviale, sublime.
Un héros homérique s’y débat au milieu des ricanements de la foule stupide, troupeau d’oies criardes et boiteuses. Le violon solo exprime en une sorte de concerto les séductions, les coquetteries, les perversités décadentes de la femme. Les stridentes trompettes sonnent le combat ; et comment rendre alors cette effroyable charge de cavalerie, qui fait trembler la terre et bondir les cœurs, ces remous de tempête, ces escalades de ville, cette marée tumultueuse que mène une volonté de fer ? La plus admirable bataille qu’on ait jamais peinte en musique !… À la première exécution en Allemagne, j’ai vu des gens frémir en l’entendant, se lever brusquement, faire des gestes inconscients et violents. Moi-même, j’ai senti l’étrange ivresse, le vertige de cet océan soulevé ; et j’ai pensé que, pour la première fois depuis trente ans, les Allemands avaient trouvé le poète de la Victoire. Heldenleben serait de tous points un des chefs-d’œuv...
- Catégories
- Cours de Violon
- Mots-clés
- 22 Novembre 2024, France Musique, Mikko Franck
Commentaires