Quintette, pour flûte, hautbois, clarinette, violon et piano, de Grégoire Igert.

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La formation atypique de ce quintette correspond à la disponibilité, rare en période d'examens, des musiciens à la date de mon examen final de composition ! J'avais déjà un programme conséquent, mais je voulais écrire une pièce de plus, j'avais des envies d'explorations sonores encore inassouvies. Cette contrainte, souhaitée, faisait partie de mon cadre créatif.

Je rêvais d'une pièce qui commencerait par un cluster pianissimo, très serré et très dissonant, à tester et doser pour que les textures sonores créent de la magie, comme dans la troisième des "Cinq pièces pour orchestre" d'Arnold Schoenberg, passée à la postérité sous le nom de « Couleurs ».

Pour mieux goûter la saveur de ce cluster a posteriori, je voulais ensuite aérer ma musique. Par contraste avec la verticalité de l'accord, je pensais à des lignes mélodiques qui s'enchevêtrent, puis à une mélodie répartie successivement entre plusieurs instruments. J'avais défini un rondo formel : alterner des séquences d'écriture verticales et horizontales.

Au cours de ces explorations, j'ai eu l'idée de faire jouer le même accord en croches successives, sans qu'aucun instrument ne répète jamais la même note, mais égrène, croche après croche, un arpège de l'accord, alors que les autres instruments faisaient de même, mais depuis une autre note de l'accord. Ainsi, je fais entendre toujours le même accord mais avec un visage de textures sonores différent. L'évolution de la musique ne se fait pas par l'écriture de nouvelles notes ou de rythmes mais par les sonorités des instruments qui les jouent.

Plus loin, j'efface peu à peu les limites conceptuelles qui organisaient ma pièce. Sans doute une forme de « liquidation » non pas du thème mais du motif structurel. Très marqué par la Symphonie opus 21 d'Alban Berg, je lui trouve une pertinence particulière ici pour cet effet.

La stratégie d'écriture de Berg dans cette pièce représentait à mes yeux une option très ingénieuse pour sortir de l'écriture tonale : outre la négation de la dynamique de l'harmonie tonale (tension-résolution) qu'offre le dodécaphonisme (les 12 notes - non plus de la gamme, mais de la série - sont utilisées et équivalentes, plus aucun ton ne fédère la tension ou la résolution de type tonal), la dissémination de la série à travers plusieurs instruments et partant, plusieurs registres, contribue efficacement à casser la dynamique naturelle d'une mélodie. Et bien sûr, la beauté des timbres, alternés et inattendus... J'inventais donc ma série...

J'avais très envie de « me faire une séquence Berg op. 21 » mais ici, j'y voyais surtout un jeu avec l'écriture verticale que je venais d'explorer : il n'y est plus question de cluster ou d'accord, mais de faire doubler au piano la note de chaque instrument. Verticalité, car deux instruments jouent ensemble, mais verticalité réduite à zéro, car il s'agit d'un unisson ! En plus, cette superposition créait une magie de textures superposées entre le piano et chaque instrument... Porté par ce charme, je répète ensuite la même série et approfondis le travail de texture en faisant aussi du piano un instrument percussif, car il continue de doubler les notes des autres instruments, mais en quintolets ou septolets de doubles croches. Granularité, toujours en moquant cette fausse verticalité et en la faisant entendre plutôt comme une horizontalité, répartie, comme chez Berg, à chaque note sur un instrument différent, avec le piano en seul point commun.

Enfin, réponse du berger à la bergère, j'estompe les mêmes frontières dans l'autre sens : je crée une verticalité à partir d'une ligne horizontale. Je voulais créer un de ces canons d'écriture très dense et chromatique, très précise aussi, que l'on trouve chez Ligeti et Gubaidulina et qui me font l'effet de l'ordre dans le désordre, de l'intention finalement assez claire et écoutable au milieu d'un magma en fusion, avec un effet dramatique très puissant. Tout empreint de chromatisme, je pensais alors à une mini-cellule chromatique hurlée par les saxophones au début de Bird Calls de Charles Mingus. Je m'en inspire alors, dans cette écriture contrapuntique, guidée surtout par le décalage chromatique vertical et horizontal qui existe entre les voix, dans un ensemble qui finit par sonner complètement... vertical.

Cet environnement chaotique, protéiforme et dissonant s'articule enfin dans un affrontement primitif de nuances entre le piano et les quatre instruments. C'est sur cette scène qu'entre alors le hautbois songeur pour un chant du cygne de type onirique, hésitant, répétitif... et ainsi, on retrouve, de manière renouvelée, ce qui, depuis le XVIè siècle, constitue le fondement de la synthèse entre l'écriture horizontale et verticale : la mélodie accompagnée...

Grégoire Igert, compositeur.

Flûte : Bogdana Bushevska
Hautbois : Matthew Chin
Clarinette : Yoko Okubo
Violon : Megumi Nishira
Piano : Daniel Strasberg
Direction : Bianca Maretti

Vidéo : Renato Maretti
Son : Jean-Yves Pouyat
Catégories
Cours de Violon
Mots-clés
classicalmusic, contemporarymusic, contemporaryartist

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