LES SECRETS DE L’ARUM TITAN, PLANTE À L’INFLORESCENCE GÉANTE ET À LA FEUILLE HAUTE COMME UN ARBRE

La floraison d’un Amorphophallus titanum est toujours un événement parce qu’elle est spectaculaire (pouvant dépasser les 3 m de haut, c’est la plus grande inflorescence simple parmi les plantes herbacées), que la plante est rare, difficile à cultiver et capricieuse, puisqu’elle peut refuser de fleurir pendant des années…
Après avoir obtenu une première floraison en 2023, le Jardin botanique Jean-Marie Pelt de Nancy (Lorraine), a conquis un large public en juin 2025 (30 000 personnes) avec une fleur d’un peu plus de 1,50 m de haut, mais un autre spécimen, dénommé Tintin, s’est ensuite décidé à fleurir et le 31 juillet 2025, l’extrémité de son spadice culminant à 2,16 m.
Nicole et Patrick Mioulane n’ont pas voulu manquer l’événement et surtout souhaité vous faire partager ce moment exceptionnel. Dans cette vidéo, Frédéric Pautz, écologue, botaniste, explorateur et directeur du Jardin botanique Jean-Marie Pelt de Nancy, ainsi que Douglas Sanchez, jardinier botaniste, responsable de la collection d’Aracées, se livrent à cœur ouvert pour vous dévoiler tous les secrets de cette plante mystérieuse et de sa culture…
Amorphophallus titanum est une plante de la famille des Aracées, endémique de l’île de Sumatra en Indonésie. Le premier européen à avoir admiré la plante est le naturaliste et botaniste italien Edoardo Beccari (1843 – 1920) qui en fit parvenir des graines aux fameux jardins de Kew près de Londres où le premier spécimen à fleurir en Europe s’y épanouit en 1889.
Aujourd’hui Sumatra subit une désolante déforestation en raison de l’implantation de cultures de palmiers à huile (plus de 65 % de la forêt d’origine ont été détruits), ce qui réduit l’habitat de l’arum titan, au point qu’il ne reste plus que 4 000 individus dans leur habitat naturel, la plante étant désormais classée « en danger » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Les jardins botaniques, à travers le monde, contribuent à la sauvegarde et à la protection de l’arum titan et font désormais office de conservatoires pour cette plante exceptionnelle à la biologie pas moins remarquable…
La structure générale de l’inflorescence d’Amorphophallus titanum est commune avec les quelque 4 506 espèces que compte la famille des Aracées. Elle se compose d’un pédoncule, une enveloppe plus ou moins colorée dénommée spathe, qui protège le spadice sur lequel sont fixés les organes sexués, fleurs mâles et fleurs femelles étant séparés.
Chez l’arum titan les très nombreuses fleurs mâles sont situées au-dessus des fleurs femelles concentrées dans la partie basse de l’inflorescence. Ces dernières sont matures les premières, mais durant une seule nuit. La spathe s’ouvre, le spadice passe du vert au jaune, la température de la fleur augmente (thermogénèse), ce qui favorise la dispersion de substances volatiles à l’odeur de viande en putréfaction qui vont attirer les pollinisateurs (principalement de coléoptères nécrophages et des mouches saprophages).
L’anthèse des fleurs mâles se produit le jour suivant ce qui évite toute autofécondation (fécondation croisée ou allogamie).
On pourrait être tenté de vouloir cultiver un arum titan, mais c’est impossible au niveau amateur. D’abord en raison des dimensions de la plante avec son tubercule qui pèse en moyenne une quarantaine de kilos chez les spécimens matures (record absolu 150 kg !) et sa feuille unique qui peut atteindre 6 m de haut !
Par ailleurs, Amorphophallus titanum est une plante typiquement tropicale qu’il faut conserver entre 26 et 28 °C avec 90 % d’hygrométrie et 12 heures de lumière tout au long de l’année. En tant que plante de sous-bois, il nécessite aussi un ombrage partiel.
Autre grande difficulté de culture, la dormance obligatoire que nécessite la plante durant environ 6 mois. Or, au cours de cette période la moindre erreur d’arrosage peut lui être fatale. La plante est cultivée dans un mélange très drainant à base de pierre ponce, de pouzzolane, d’écorce de pin et de charbon de bois. Ce substrat est stérilisé après un passage de 10 heures à 80 °C pour éliminer les nématodes et les cochenilles des racines.
Les arums titans peuvent être multipliés par bouturage de portion de feuille (clonage). Une pollinisation manuelle a été réussie récemment par le jardin botanique de Meise en Belgique, ce qui a permis d’obtenir des graines viables qui ont été distribuées dans divers jardins botaniques. À Nancy, 7 plants ont levé et développé leur feuille. Leur floraison est attendue dans 8 ans environ…

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